Apothicaire, médecin, astrologue, Michel de Nostredame, dit Nostradamus, n’est pas que l’auteur des célèbres Prophéties. Il a aussi publié un Traité des fardemens et confitures (1555). Dans l’esprit de la saison, je cuisine sa confiture de cocordat ou carabassat.
Vous prendrez des « courges longues ou rondes […], de celles qui seront les plus dures, même celles que l’on garde pour graine ou semence ». Évidemment, je choisis la citrouille.
Le cocordat étant pelé et taillé en quartiers, il faut le mettre au sel pendant trois ou quatre jours : « le sel le rendra ferme, d’autre part lui attirera l’humidité superflue qui est en la courge, quand viendra à recevoir son sucre, le prendra plus facilement et la rendra plus ferme et savoureuse ». Les quartiers sont ensuite lavés en « dix ou douze eaux, tant que en goûtant vous ne connaîtrez qu’il sente aucunement le sel », puis bouillis jusqu’à ce qu’une épingle « entre facilement » dans la chair.
C’est le moment de confire le cocordat. Préparez avec « tant de sucre que d’eau » un « sirop bien cuit ». Placez les quartiers de courge à confire dans ce sirop qui sera rebouilli chaque jour. Vous saurez que la confiture est prête « à la tierce ou quarte fois quand connaîtrez que les quartiers ne rendent plus d’humidité : et en les regardant à la clarté on les voit clairs et diaphanes ».
Cette confiture est « suave » et « de bon goût ». Pour nos palais modernes, elle s’avère vraiment très sucrée, avec un soupçon de sel résiduel assez agréable… Mais ce n’est pas qu’une friandise puisqu’à l’époque de Nostradamus, le sucre fait partie de la pharmacopée, c’est une drogue. Voilà pourquoi cette « conserve réfrigérative » peut « mitiguer la chaleur exubérante du cœur et du foie ».
J’aime penser que les aliments sont vraiment dotés de tels pouvoirs… Voici un bonbon puissant, une bouchée psychotrope, pour aider à arpenter la zone étrange qui sépare le royaume des morts du monde des vivants.